Comment obtenir la révision d'un contrat en cas de changement de circonstances imprévisible ?

Un contrat conclu pour une longue durée peut présenter une difficulté particulière liée à l’évolution dans le temps des conditions dans lesquelles il avait été conclu. C’est exactement le cas dans le contexte actuel de l'explosion du prix de l'énergie et de certaines matières premières.
Non seulement l’équilibre initial du contrat est bouleversé mais ce changement des circonstances peut mettre une des parties en grande difficulté financière.
C’est justement pour parer à ce type de situation que la loi a prévu un mécanisme de révision du contrat en cas de "changement de circonstances imprévisible à la conclusion du contrat".

L’article 1195 du code civil crée un mécanisme de révision du contrat en cas de changement de circonstances imprévisible à la conclusion du contrat.

Ce texte pose trois conditions à son application :

  • un changement de circonstances qui n’était pas prévisible à la conclusion du contrat,
  • une exécution du contrat « excessivement onéreuse » pour l’une des parties, du fait de ce changement,
  • l’absence d’acceptation du risque encouru par le cocontractant qui souhaite renégocier le contrat.

Si la partie lésée avait accepté ce risque à la conclusion du contrat, elle ne peut pas demander la renégociation du contrat à son cocontractant. Une clause du contrat prévoyant une acceptation par les parties des risques liés à un changement de circonstances, exclura donc toute possibilité de renégocier le contrat.

Le schéma ci-dessous expose les différentes étapes.

En synthèse, on peut distinguer 3 étapes :

  • La demande de renégociation du contrat par l’un des cocontractants,
  • la saisine du juge, en cas d’échec ou de refus de renégociation par l’autre partie au contrat,
  • En l’absence d’accord dans un délai raisonnable (dans le cadre de la procédure), la révision du contrat ou sa résiliation par le juge, selon les conditions que celui-ci décide.

Pendant tout le processus, le contrat doit toutefois continuer à s’appliquer.

Il est vrai que cela diminue un peu l’efficacité du mécanisme, compte tenu des délais de procédure en France.
Pour les contrats dont l’exécution s’étend sur plusieurs années, ce texte a malgré tout un réel intérêt. Il a surtout le mérite de pousser le cocontractant à se mettre autour de la table des négociations pour éviter une procédure judiciaire.

A ce jour, les juges répugnent encore à faire application du mécanisme de révision pour imprévision.

Toutefois, une décision récente de la Cour d’appel de Paris laisse entrevoir la possibilité de demander son application avec succès (Cour d’appel de Paris, 25 novembre 2022, n°22/00326).

Dans l’affaire ayant donné lieu à cette décision, un fournisseur réclamait la résiliation du contrat, à défaut d’accord sur une renégociation du prix prévu au contrat.

Le fournisseur faisait valoir une multiplication des prix du gaz par 6 depuis février 2022 en raison de la reprise économique post-covid puis de la guerre en Ukraine. Selon elle, il s’agissait de circonstances imprévisibles justifiant que le mécanisme de la révision pour imprévision s’applique.


La Cour d’appel accepte de qualifier de « circonstances imprévisibles » l’envolée des prix de gaz, ce qui est un élément encourageant pour tous ceux souhautabt se prévaloir du texte. En ce sens, la décision est encourageante.


Pour tous les contrats conclus avant février 2022, et a fortiori avant octobre 2021, le cocontractant pénalisé par l’explosion du coût de l’énergie dispose donc de réelles chances de voir cette inflation qualifiée de « circonstances imprévisibles ».


Elle rejette toutefois la demande du fournisseur en relevant qu’il ne prouvait pas l’onérosité excessive de l’exécution du contrat par « des éléments comptables et financiers ».

La loi prévoit en effet que le mécanisme de révision du contrat ne s’applique que si l’exécution du contrat devient excessivement onéreuse pour le cocontractant souhaitant renégocier. Un bouleversement de l’équilibre initial voulu entre les parties ne suffit pas.

Or, le fournisseur faisait état de l’augmentation drastique des prix du gaz sans apporter plus d’éléments chiffrés sur les conséquences que cette augmentation avait sur ses propres coûts.


On peut comprendre la décision de la Cour : le texte fait référence à l’onérosité « excessive ».

Le Juge doit donc pouvoir apprécier l’importance des nouveaux coûts d’exécution du contrat afin de déterminer s’ils sont ou non « excessifs ».


Reste à déterminer si la jurisprudence ira jusqu’à exiger une exécution du contrat à perte pour qualifier l’exécution d’excessivement onéreuse !

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